François Legault n’a pas voulu se mettre Mark Carney à dos

Il en brûlait possiblement d’envie, mais François Legault s’est abstenu de dire aux Québécois de ne pas voter pour le Parti libéral du Canada cette fois-ci. Il a évité de répéter le même film qu’en 2021 avec Justin Trudeau, pour ne pas se mettre Mark Carney à dos.
Au sommet de sa popularité à l’automne 2021, le PM pensait que son pouvoir d’influence lui permettrait de faire pencher la balance en faveur du Parti conservateur du Canada, mené par le peu charismatique Erin O’Toole.
En pleine campagne fédérale, il avait enjoint aux Québécois d’éviter le PLC, tout comme le NPD, en raison des visées centralisatrices des deux partis.
Il pointait ces partis «qui veulent nous donner moins d’autonomie» et ajoutait qu’il trouvait ça «dangereux».
Le plus comique, c’est que les raisons pour lesquelles il favorisait sans le dire implicitement les conservateurs s’appliquent encore aujourd’hui.
Le caquiste citait alors la volonté de transférer plus de pouvoirs en immigration, l’engagement à ne pas contester la Loi sur la laïcité et l’intention de financer une part du troisième lien entre Québec et Lévis.
Pierre Poilievre est allé plus loin que son prédécesseur à l’égard du Québec.
Il a promis de céder le pouvoir de sélection d’environ 90% des immigrants temporaires accueillis par le programme fédéral de mobilité international.
«C’est tout un gain pour le Québec», a louangé Legault.
Pour le reste, le PM est resté sur les lignes de côté.
Coup de pouce subtil
À l’exception d’une tentative plus ou moins subtile de donner un coup de pouce jeudi.
À quelques jours du vote, le premier ministre caquiste a exhorté les chefs fédéraux à répondre à sa préoccupation en matière d’immigration.
Il les a pressés de répondre à sa demande de réduire de moitié le nombre d’immigrants temporaires au Québec d’ici trois ans.
Or, la chose était passée sous le radar, mais Pierre Poilievre a déjà pris cet engagement dans sa plateforme Québec.
On pourrait dire que l’intervention de Legault constituait une petite passe sur la palette pour les conservateurs.
Mais ça demeure un message codé, une préférence que pourront décrypter les initiés, sans constituer une attaque frontale comme celle contre Justin Trudeau.
Rien d’aussi direct que l’appel aux bloquistes pour qu’ils fassent tomber le gouvernement Trudeau pas plus tard qu’en septembre dernier.
Les autres partis provinciaux ont aussi été plutôt discrets.
Paul St-Pierre Plamondon n’a partagé aucune tribune avec Yves-François Blanchet, malgré le fait que le chef bloquiste aurait sûrement apprécié un coup de main.
Les relations entre les deux souverainistes semblent tendues, particulièrement depuis que le Bloc a convaincu Alexis Deschênes de porter ses couleurs, alors que le PQ le convoitait aussi pour le scrutin provincial.
PSPP a publié un message de dernière minute sur les réseaux sociaux jeudi en qualifiant Mark Carney de «menace existentielle» pour le Québec. Mais c’est tout.
Maintenir sa relation
François Legault se dit peut-être qu’il ne peut pas se payer le luxe de brûler des ponts alors qu’il aura rendez-vous avec l’électorat dès l’an prochain.
Il serait sûrement content de conclure quelques ententes avec le vis-à-vis fédéral, dans un contexte où il a particulièrement besoin de nouvelles entrées d’argent dans les coffres avant 2026.
Il aurait sans doute pu montrer de façon plus appuyée son désaccord idéologique avec les libéraux fédéraux, mais stratégiquement, il a bien fait de ménager Mark Carney, qui risque fortement de former un gouvernement majoritaire.
Le jeu n’en valait pas la chandelle.